Au-dessus de nos têtes, les câbles s’amoncellent et s’enlacent dans une perspective sans fin. Latente et silencieuse, l’incroyable énergie que la ville draine s’écoule autour de nous, ode mystique au kilovolt-ampère.
La lueur d’une bougie caresse ton visage. Suspendus au-dessus du vide, enfouis dans les entrailles de la ville, je ne sais plus où nous sommes. Seuls subsistent les câbles, artères sacrées de la ville, lien ombilical et fonctionnel qui en cet instant nous réunit et nous définit.
En ce lieu, il me semble que nous possédons ensemble un pouvoir ultime : celui d’infléchir le temps. Jour et nuit, pluie ou vent ; tout cela n’existe pas. Seuls subsistent les électrons qui, autour de nous, vibrent silencieusement à cinquante battements par seconde.
Je t'enlace en pensée. Une caresse s’attarde le long de tes cheveux, s’égare sur ta nuque ; achève son périple au bas de ton dos.
Je rouvre les yeux et n’ose pas bouger : j’ai peur de briser l’équilibre fragile et irréel qui nous unit.
Au loin, les bruits de la ville résonnent paresseusement entre les passe-câbles.
Un léger souffle fait vaciller la flamme des bougies.
Tu lèves la tête, et tu souris.